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Comment améliorer les repères en EHPAD pour une meilleure qualité de vie des résidents ?

Par Florence MATHIEU, ingénieure experte en design thinking, et fondatrice de Aïna, un cabinet spécialiste de l’innovation par les usages pour le monde médico-social et sanitaire.

Genèse du projet et problème à résoudre : Nous avons travaillé avec un EHPAD qui se lançait dans un projet de rénovation de son bâtiment sur la problématique importante de la gestion des repères spatiaux. En effet dans cet établissement non sectorisé, à l’architecture complexe, les résidents se perdent, notamment pour retrouver leur chambre. Cela peut représenter une importante source d’angoisse pour certains, notamment les premiers jours ou pour ceux avec des troubles cognitifs. Aujourd’hui, ce problème se traduit par des résidents qui n’arrivent pas à remonter seuls dans leurs chambres ou par de nombreuses affichettes rajoutées dans les couloirs afin d’aider à la circulation au sein du bâtiment.  

Utiliser une approche de design à la question des repères spatiaux, mais aussi temporels, humains et de sens.

Dans l’approche que nous avons chez Aïna — l’innovation par les usages ou design thinking — nous passons au départ beaucoup de temps à identifier le vrai problème et les besoins pas toujours exprimés avant de trouver des solutions. Pour améliorer la question des repères spatiaux, nous avons commencé par mener des entretiens avec des résidents et des soignants. Nous avons aussi observé les situations. Par exemple, en suivant des résidents atteints de troubles cognitifs sur leur trajet « chambre – salle à manger » afin d’identifier à quel endroit ils se trompaient, ce qui attirait leur attention, ce qui gênait leurs prises de repères. Cette observation nous a fait comprendre qu’une des grandes difficultés se manifestait dans l’identification de son étage. 

Nous avons utilisé un simulateur de vieillissement et nous nous sommes mis en fauteuil roulant afin d’identifier les éléments qui permettent de se repérer dans le bâtiment. Cela nous a permis par exemple d’identifier l’importance des « grosses masses ». Lorsque l’on souffre de troubles visuels, on est plus sensible à une modification d’un volume et du mobilier qu’à un changement de couleur. Enfin, dans une approche empathique et afin d’explorer la perte de repère d’un résident lorsqu’il arrive dans son nouveau lieu de vie, nous nous sommes immergés 3 jours dans l’établissement. Nous avons dormi et mangé avec les résidents.  

Comment la signalétique contribue au travail des soignants ?

Une bonne gestion des repères spatiaux en établissement a un impact fort sur les équipes, les résidents et les visiteurs. Elle rassure les résidents qui peuvent être plus autonomes et libérer du temps pour les équipes. Cela permet aussi de faciliter le travail des soignants en leur faisant gagner du temps au quotidien lors des déplacements et transferts des résidents. Une bonne signalétique facilite l’orientation des personnes intérimaires qui découvrent un nouveau lieu de travail. Se déplacer dans un lieu où l’on se repère bien permet d’apporter fluidité et bien-être à tout le monde.

Comment améliorer la signalétique facilement ?

La signalétique apparait essentielle dans un bâtiment grand où tout se ressemble. Mais pour qu’elle apporte une aide réelle, il faut qu’elle respecte plusieurs principes :

1. Elle doit être continue, sans ruptures. Si on arrive à une intersection où la signalétique disparaît, on crée une zone où l’on se perd. 

2. Elle doit être adaptée aux troubles de la vue que l’on peut avoir avec l’âge. Elle doit être contrastée, lisible, sur un fond neutre. 

3. Son positionnement est aussi essentiel : elle ne doit pas être trop haute, car les personnes voûtées ne la verront pas. Elle est particulièrement adaptée quand elle est à mi-hauteur ou sur le sol. 

4. Une bonne signalétique ne suffit pas. Bien se repérer, sur le long terme, passe par une multitude de facteurs. Le plus important consiste à créer des repères distinctifs, forts, multi-sensoriels et nommables sur l’ensemble des parcours dans un bâtiment. Une statue ou une cage à oiseau servira plus de repère pour retrouver son étage qu’une couleur de mur différente.

Vous pouvez prendre une analogie avec la façon dont vous vous repérez dans une ville. Les premières fois, vous regardez les panneaux de signalisation, les numéros de rues et s’ils font défaut, vous éprouverez des difficultés à vous repérer. Lorsque vous êtes passé plusieurs fois au même endroit, les panneaux de signalisation sont oubliés. Ce qui va permettre de vous repérer ce sont alors des éléments distinctifs forts : une place avec un bel espace vert, une grosse boulangerie fait l’angle, passer devant une grande église. Créer ce type de repères distinctifs, de façon cohérente et en lien avec le vocabulaire des équipes est essentiel pour créer des espaces fluides et agréables à vivre dans les établissements.